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The Grotto
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27 février 2007

La fille asiatique...

La fille asiatique, je me suis dit que je pourais l'aider. Elle trimbalait une énorme chose - une planche ? une toile ? - et de toutes façons, je n'aidais jamais personne. Parce que je vis sur un nuage et que les dames âgées ou que les mères et leur poussette finissent toujours par être loin avant que je me rende compte que j'existe dans le même paysage et que je pourrais éventuellement me lever et les aider. Alors là, je me suis dit qu'il était temps d'inaugurer l'ère de la générosité vu que le tram ne s'était pas encore arrêté et que j'étais parvenue à me rendre compte de mon existence et de son besoin d'aide. Mon intervention a été minimale : j'ai à peine effleuré la planche- ou la toile - pour corriger sa trajectoire à travers la porte du 94. J'étais gênée parce que je me suis dit que j'étais une incapable quand il s'agit d'aider les gens à faire glisser des planches ou des toiles dans un tram et que, par ailleurs, ça les gênait plus qu'autre chose que j'intervienne. Je me suis donc précipitée sur le premier siège libre pour m'y asseoir et disparaître dans ma honte. J'étais occupée à lire "The Bell Jar" quand deux filles sont venues s'installer près  de moi. J'aurais juré avoir entendu qu'elles parlaient italien, mais après, elles sont passées au français à moins que je n'aie rêvé l'épisode en italien ou que je leur aie attribué une conversation véritable en italien qui se tenait quelques sièges plus loin, je sais pas.

Je voulais absolument savoir à quoi ressemblait la fille dont j'étais persuadée avoir entendu l'italien, mais mes yeux étaient enfermés dans la prison de mon livre et j'avais peur qu'en levent le regard, elle se rendrait compte que je l'observe. Mais la tentation était trop forte et j'ai fini par me surprendre à lui lancer un coup d'oeil furtif. J'ai vite remis mes yeux en place, sur les mots de mon livre, mais les mots, ils étaient vides de sens et absolument grossiers. Parce que je me suis rendu compte qu'elle m'avait surprise à enfreindre la décence, elle m'avait attrappée la main dans le sac, les yeux en pleine violation des lois de l'optique sociale.
En effet, il ne faisait aucun doute qu'elle eut remarqué le rapide coup d'oeil, et j'étais paniquée, complètement.

J'avais quand même eu le temps de m'apercevoir que la fille, elle était belle, mais elle n'avait pas l'air italienne le moins du monde et ça m'énervait parce que j'étais persuadée d'avoir entendu parler cette langue. D'ailleurs, ça m'avait fait un sacré choc parce que la fille elle correspondait pas du tout à la représentation que j'avais faite d'elle en associant une image à sa voix. Cette histoire de langue commençait à me travailler de plus en plus, pourquoi diable est-ce que deux filles seraient passé d'une langue à l'autre et pourquoi parlaient-elles le français, maintenant, si toutes les deux maîtrisaient l'italien ? Et j'étais vraiment persuadée, avec l'italien. D'ailleurs, ça me revenait, j'avais eu la pensée que l'italien était beau, quelque pages plus tôt, en des temps plus glorieux, alors que j'étais encore concentrée sur ma lecture. Pourquoi aurais-je eu ce genre de considérations si je n'avais pas entendu de l'italien, véritablement ?

La fille assise à côté de moi a commencé à dire à celle d'en face qu'une autre fille était vachement moche, et j'ai trouvé ça nul, que les gens trouvent d'autres gens moches. C'est un problème grave, parce que ça signifie que ces personnes sont coincées dans leur propres perspectives et qu'elles ont un esprit tellement raide, tellement rigide, tellement figé, qui les empêchent de changer de perspective et de trouver le monde plus beau. je me rappelle m'être dit que ça pouvait prendre des proportions énormes et mener à des problèmes très graves, ce genre de comportement, mais je ne me souviens pas à quels problèmes en particulier je pensais alors. De toutes façons, c'est mieux les gens comme Sinéad O'Connor qui disent qu'il faut apprendre à apprécier ce q'on aurait tendance à trouver laid, ou quelque chose comme ça, même si après, elle se sent obligée d'ajouter des choses comme "Like, God created the devil, you know", ce qui fait très lourd. Mais ça, ça peut être compris comme une métaphore, je suppose, je suppose qu'elle-même ne prend pas ces paroles au pied de la lettre et ne croit pas vraiment en leur sens littéral.

C'est à ce moment-là de mon courant de pensées que les deux filles sont descendues du tram, à l'arrêt Lesbroussart.  J'ai vu que la fille asiatique était encore dans le tram, je n'ai pas su voir son visage parce qu'entre mes yeux et elle, il y avait un tas de passagers qui m'empêchaient de la reconnaître, mais j'ai bien su voir sa planche, posée par terre, près des pieds chaussés de bottes, de bottines & autres chaussures. Je me suis vite retrouvée à l'arrêt Legrand, j'ai regardé par la fenêtre, mes yeux sont tombés sur l'énorme bâtiment où il y a la banque Delta Lloyd. Je me suis demdandée si quelqu'un s'était jamais suicidé du haut du dernier étage, et j'ai imaginé un tas de filles désespées qui se jettaient dans le vide en même temps, dans un ballet étrange, avec une concoordance parfaite. Je me suis dit que c'était à cause de Sylvia Plath, tout ça, et ça m'a rappelé que j'aurais bien fait de reprendre la lecture de mon livre. C'était vraiment fort dommage d'avoir laissé mon esprit ainsi se répandre...

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